Lorsque nous soutenons les communes ou les villes dans le développement et la mise en œuvre de processus de dialogue, il s’agit souvent de champs de tension complexes entre différents intérêts, besoins, actrices et acteurs. Après une clarification approfondie du mandat et une préparation minutieuse, dont nous avons parlé dans notre dernière contribution au débat, le véritable défi commence: la mise en œuvre. En effet, le processus de dialogue ne peut déployer ses effets que s’il est conçu avec soin, animé de manière professionnelle et qu’il débouche sur des résultats concrets.
1. Conception: la façon dont nous organisons les manifestations
Un processus de dialogue réussi nécessite un concept précis, tant en termes de contenu que de temps. Dans nos manifestations consacrées au dialogue, nous travaillons généralement avec des groupes comprenant jusqu’à 30 participantes et participants représentant différentes catégories d’acteurs de la société. Nos processus de dialogue se composent généralement de deux manifestations d’une demi-journée, voire davantage selon le contexte. À l’aide de méthodes issues du travail de dialogue, d’interventions en grands groupes et de médiation, nous créons un cadre qui permet, dans un premier temps, de clarifier les tensions existantes et de développer une meilleure compréhension des différents points de vue afin, dans un deuxième temps, d’élaborer ensemble des mesures concrètes et de prochaines étapes.
Voici ce qui a fait ses preuves dans la conception de manifestations:
- Constellations: les constellations sociométriques, dans lesquelles les participantes et participants sont priés de se positionner dans la salle par rapport à certaines questions thématiques, constituent une bonne introduction à la manifestation. Cela permet de visualiser qui est présent, avec quels points de vue, et met en évidence les tensions ou les points communs dans la diversité des perspectives.
- Procéder par phases: commencer par jeter un regard rétrospectif sur le passé, identifier les frustrations existantes, puis se projeter dans l’avenir.
- Travail en petits groupes: en petits groupes, il est plus facile de faire part de ses propres préoccupations. Dans le même temps, les nombreux petits groupes permettent de découvrir de nombreuses perspectives différentes, de réfléchir à son propre point de vue dans le contexte des autres et de recueillir des connaissances collectives. La méthode du World Café, par exemple, s’y prête bien.
- Visualisation & captation: rendre les résultats visibles – par exemple à l’aide de tableaux d’affichage, de cartes d’animation ou de modèles – renforce la compréhension commune, la reconnaissance de ce qui a été dit et facilite le traitement ultérieur.
- Flexibilité dans le déroulement: un programme minutieusement planifié est utile, mais seulement s’il peut être adapté à la situation. Les dialogues ont besoin d’espace, de créativité et d’ouverture à l’inattendu.
2. Animation: voici comment nous guidons les personnes participantes à travers les manifestations
Une animation professionnelle ne se limite pas à une bonne conduite des discussions. Elle signifie canaliser l’ambiance – en faisant preuve d’impartialité, de clarté, de beaucoup de tact pour les dynamiques qui apparaissent et d’un intérêt authentique pour les personnes qui défendent les différentes positions. Le rôle d’animatrice ou d’animateur est particulièrement exigeant dans l’espace public: entre les émotions, les intérêts politiques et la pression des attentes, il s’agit de guider le processus pour qu’il soit clair, tout en restant ouvert·e aux besoins du groupe.
Particulièrement important pour l’animation:
- Permettre la confidentialité: les personnes participantes ne peuvent s’exprimer librement que si elles ont l’assurance que leurs déclarations personnelles resteront dans la salle et qu’elles ne seront pas citées par la suite. En outre, les contenus du dialogue ne doivent être communiqués à l’extérieur qu’après la fin de l’ensemble du processus, en tant que résultats. Des règles adoptées conjointement par le groupe, comme la règle de Chatham House, permettent un bon équilibre entre confidentialité et transparence.
- Introduire des lignes directrices pour le dialogue: des principes communs tels qu’«écouter pour comprendre» permettent de s’orienter au cours de la discussion et favorisent le dialogue. Au début de la première séance, il est important d’obtenir l’accord des participantes et participants et de noter les éventuelles réserves concernant les lignes directrices pour le dialogue.
- Ne pas masquer les tensions: reprendre consciemment les points délicats, les refléter et les traiter à l’aide d’outils médiatifs (p. ex. recadrage, paraphrase, demandes), dans la mesure où cela est possible dans le cadre de la manifestation et dans le temps imparti.
- Réfléchir aux rôles: qui s’exprime quand en tant que particulier, en tant qu’agent public ou élu? Une répartition claire des rôles renforce la transparence dans la salle.
- Instaurer un climat de confiance en amont des séances de dialogue: dans les situations conflictuelles en particulier, où la confiance entre les personnes impliquées est ébranlée, il faut avoir confiance dans le processus et le rôle des personnes assurant l’animation. Cette confiance naît en partie déjà en amont, par exemple lors d’entretiens préliminaires avec des représentantes et représentants des différents groupes d’actrices et d’acteurs (cf. contribution au débat sur la préparation des processus de dialogue
3. Après le dialogue: comment les conversations génèrent des effets
Un processus de dialogue ne prend pas fin à l’issue de la dernière manifestation. Ce qui est décisif, c’est ce qu’il adviendra ensuite de la confiance créée et des résultats, et comment ceux-ci seront mis en œuvre par les actrices et acteurs concernés.
Éléments centraux:
- Assurer et communiquer les résultats: qu’est-ce qui a été convenu? Quelles mesures ont été définies? Qui est responsable de quoi? Ces points doivent figurer dans un procès-verbal de résultats, qui doit idéalement être validé avant l’envoi par quelques-unes des personnes participantes. Une communication transparente peut également être importante vis-à-vis du public et d’autres parties prenantes, par exemple par le biais d’un communiqué de presse formulé conjointement.
- Permettre l’ancrage dans les structures existantes: un processus de dialogue ne doit pas se terminer dans le vide. Où les résultats seront-ils intégrés? Dans les processus de décision politiques? Dans des mises en œuvre concrètes? Cette corrélation doit être précisée dans le cadre de la clarification du mandat et de la préparation – et clairement mentionnée avant la fin du dialogue. Il est également important d’assurer une communication permanente sur la suite de la mise en œuvre vis-à-vis de toutes les personnes participant au dialogue.
- Évaluation et mesure de l’impact: qu’est-ce qui a changé? Qu’est-ce qui reste en suspens? Une évaluation axée sur l’impact (p. ex. au moyen d’enquêtes préliminaires et de suivi) aide à tirer des enseignements des expériences, à améliorer les processus et à rendre leurs effets visibles.
Conclusion: une bonne mise en œuvre produit déjà la moitié de l’impact
Les processus de dialogue dans l’espace public sont exigeants – et très précieux. Ils créent des espaces dans lesquels les différences ne sont pas surmontées, mais utilisées pour développer des solutions durables. Pour y parvenir, il faut une planification minutieuse, une diversité méthodologique, une attitude médiative fondamentale – et la prise de conscience que même après le dernier atelier, l’effet nécessite encore du temps, des soins et un engagement.
Bibliographie complémentaire
Lors du développement de notre offre de dialogue, nous avons notamment pris en compte les sources suivantes, que nous pouvons recommander comme lecture complémentaire:
- Splinter, D. & Wüstehube, L. (2020). Mehr Dialog wagen! Eine Ermutigung für Politik, gesellschaftliche Verständigung und internationale Friedensarbeit. Éditions Wolfgang Metzner.
- Hinnen, H. & Krummenacher, P. (2012). Grossgruppen-Interventionen. Konflikte klären – Veränderungen anstossen – Betroffene einbeziehen. Éditions Schäffer-Poeschel.
Les processus de dialogue dans les communes sont rendus possibles pendant la phase pilote du projet grâce au financement de la fondation 3FO, de la Société suisse d’utilité publique SSUP et du Pour-cent culturel Migros. Ils sont réalisés en partenariat avec la Fédération Suisse Médiation FSM. Vous trouverez ici de plus amples informations sur l’offre de dialogue pour les communes.
Cet article de blog est un résumé du travail de fin d’études de Sarah Sommer (Friederich) pour le Certificate of Advanced Studies «Mediation in Organisationen und im öffentlichen Bereich» (médiation dans les organisations et dans le domaine public) à la Haute école spécialisée bernoise BFH (2025).