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À quel point la Suisse est-elle polarisée? Et quand au juste la polarisation devient-elle un problème?

À quel point la Suisse est-elle polarisée? Et quand au juste la polarisation devient-elle un problème?

Y a-t-il un risque que la violence politique s’installe également en Suisse et que les conflits politiques détruisent la société?
Y a-t-il un risque que la violence politique s’installe également en Suisse et que les conflits politiques détruisent la société?
Y a-t-il un risque que la violence politique s’installe également en Suisse et que les conflits politiques détruisent la société?
Y a-t-il un risque que la violence politique s’installe également en Suisse et que les conflits politiques détruisent la société?
Y a-t-il un risque que la violence politique s’installe également en Suisse et que les conflits politiques détruisent la société?
Y a-t-il un risque que la violence politique s’installe également en Suisse et que les conflits politiques détruisent la société?

Depuis la tentative d’attentat contre le candidat à la présidence Donald #Trump il y a dix jours, on nous a souvent demandé à Pro Futuris ce qu’il en était de la #polarisation de la #Suisse:

Chez Pro Futuris, nous nous penchons intensivement depuis deux ans sur la cohésion et la polarisation du pays et recueillons en permanence des éléments de preuve (vous trouverez également ici toutes les données que je citerai ci-dessous).

Après une semaine de discussions intenses, je voudrais partager cinq observations et cinq réflexions structurantes en vue du débat actuel.

Partie 1 – Que savons-nous de la polarisation, de la diversité et de la cohésion en Suisse?

  1. En comparaison européenne, la Suisse est assez fortement polarisée sur le plan politique. En comparaison européenne, les positions politiques et idéologiques des partis suisses sont relativement divergentes. Et l’électorat se situe de plus en plus aux pôles politiques. La proportion d’électrices et d’électeurs attribuant un «5» à leur position politique sur une échelle gauche-droite de 0 à 10 est passée d’environ 30% à 15% depuis 1995.
  1. Contrairement aux États-Unis, notre système politique a un effet plutôt intégrateur et modérateur. Peu d’autres systèmes politiques partagent autant le pouvoir entre différents acteurs et actrices que la Suisse. Chez nous, il n’y a pas d’élections qui scellent le destin du pays en instaurant une personne aux commandes du pouvoir pendant des années. Lors de presque tous les dimanches de votation, nous sommes à la fois gagnants et perdants en tant qu’électrices et électeurs: nous nous réjouissons des résultats d’un scrutin et nous agaçons de l’issue d’un autre. De plus, le Conseil fédéral représente près de 80% de l’électorat. Et le Parlement a un rôle très important à jouer dans l’élaboration de projets susceptibles d’obtenir une majorité. Dans la plupart des cantons aussi, le pouvoir politique est partagé par des gouvernements de concordance, c’est-à-dire de grandes, voire d’énormes coalitions. Enfin, la démocratie semi-directe crée de multiples possibilités de participation pour la société civile et donc une identification avec l’État. Ainsi, les Suisses se font relativement confiance les uns les autres et la confiance dans les institutions politiques est également assez élevée.
  1. La polarisation en soi n’est pas problématique. Nous pouvons la considérer comme l’expression de la diversité politique – et nous en avons besoin pour négocier sans cesse de nouvelles questions politiques dans une société en mutation. En tant que société, nous sommes confrontés à d’importants défis qui nous concernent toutes et tous et que nous ne pouvons relever qu’ensemble ou par le conflit: la crise climatique, le développement de l’IA, les changements démographiques et sociétaux, les questions de répartition et d’équité, ainsi que la responsabilité internationale de la Suisse. Dans les formats de dialogue de Pro Futuris, nous observons que les questions politiques qui concernent l’organisation de la vie personnelle – comme la manière dont nous mangeons, dont nous parlons, dont nous entretenons nos relations, dont nous sommes mobiles, etc. –, suscitent particulièrement d’émotions. Parallèlement à la politisation du quotidien, les institutions politiques et les médias perdent également de leur influence en raison de la numérisation. Nous assistons ainsi non seulement à une polarisation, mais aussi à une multiplication des actrices, acteurs et discours politiques.
  1. Outre la polarisation politique, nos sociétés se pluralisent. Aucun autre pays occidental (à l’exception du Luxembourg) ne compte autant d’habitantes et d’habitants nés à l’étranger que la Suisse. Dans le même temps, au cours des dernières décennies, les identités de groupes traditionnellement dominantes, en particulier religieuses, ont perdu de leur force et les groupes historiquement discriminés parviennent peu à peu à obtenir plus de reconnaissance et d’égalité. En tant qu’individus comme en tant que société, nous sommes donc confrontés à la nécessité de définir nous-mêmes nos identités, et ce en permanence. Les identités et appartenances autrefois évidentes perdent de leur suprématie. La pluralisation de la société a donc un effet aussi libérateur que désorientant. Conseil de lecture: Isolde Charim – Ich und die Anderen (Moi et les autres)
  1. En Suisse, nous observons à la fois une escalade des conflits et une polarisation affective relativement forte, tout comme un désir de plus d’empathie. Dans une enquête menée en octobre 2021, plus de 30% des adultes ont indiqué avoir rompu leurs relations avec des personnes de leur entourage proche en raison d’opinions divergentes sur les mesures de lutte contre le coronavirus. La rupture d’une relation est un prix élevé pour trouver une issue à une divergence d’opinions. Dans le même temps, trois quarts de la population suisse affirment que l’empathie a diminué. Et plus de 80% souhaitent une plus grande tolérance envers les opinions divergentes. Parallèlement, la Suisse est assez fortement polarisée sur le plan affectif, c’est-à-dire émotionnel (bien qu’à un niveau stable). La polarisation affective mesure la différence entre la sympathie que nous manifestons à l’égard de notre propre groupe et l’antipathie que nous éprouvons à l’égard des «autres».

Partie 2 – Quand la polarisation devient-elle problématique? Et que pouvons-nous faire pour y remédier?

  1. En Suisse aussi, les préjugés à l’égard des personnes qui pensent différemment, des minorités et des personnalités politiques mettent en péril la démocratie et la cohésion, recèlent un potentiel de violence et causent beaucoup de souffrances aux personnes concernées: ainsi, 40% des Suisses non issus de la migration déclarent être gênés par la «différence», qui prend la forme d’une autre nationalité, croyance, couleur de peau ou langue. Et beaucoup accusent «les autres» d’être responsables des dysfonctionnements de la société. Les stéréotypes négatifs à l’égard des personnes perçues comme noires, musulmanes ou juives sont très répandus. Les agressions verbales et physiques enregistrées contre les personnes LGBTQ, juives et musulmanes ont également augmenté. En outre, de nombreux politiciens et politiciennes sont menacés verbalement et parfois physiquement, en particulier les jeunes femmes. Pour lutter contre de potentielles violences politiques, le service de renseignement observe en particulier les groupes d’extrême gauche, d’extrême droite et djihadistes.
  1. Les récits de conspiration qui prétendent que le monde est contrôlé par des forces sinistres et secrètes rencontrent un écho favorable en Suisse, en particulier chez les jeunes hommes, et constituent un terreau propice à l’extrémisme. Les récits de conspiration accusent souvent des élites et/ou des minorités présumées de problèmes collectifs et peuvent servir à légitimer la violence («nous devons nous défendre contre les sombres élites du pouvoir»). Les récits de conspiration conduisent également les gens à se méfier les uns des autres et à s’attribuer mutuellement des motivations répréhensibles. Ils nous empêchent ainsi de tenir un discours public qui nous permettrait de devenir, ensemble, plus intelligents.
  1. La question décisive est de savoir comment nous gérons nos différents points de vue, préférences et réalités de vie. Que ce soit avec ouverture, respect, curiosité, confiance, tolérance et compréhension pour nos différences, comme le souhaitent les quatre cinquièmes de la population – ou avec rejet, stéréotypes, voire même haine et violence envers celles et ceux que nous considérons comme différents et qui font office de boucs émissaires. Nous pouvons considérer la polarisation et la pluralisation comme une question de relation sociale – nos rapports les uns avec les autres sont en effet essentiels, comme dans tout autre relation.
  1. Pour nous traiter mutuellement avec ouverture et respect, il est nécessaire de voir les autres au-delà de leurs caractéristiques identitaires individuelles et de remettre en question nos propres identités de groupe. Les émotions nous aident à naviguer à travers le monde et à faire la différence entre amis et ennemis. Toutefois, si nous nous identifions (trop) fortement à certains groupes politiques et que nous pratiquons la politique quasiment comme un sport d’équipe, cela peut nous conduire à surestimer notre propre groupe (et à appréhender les membres de notre équipe sans sens critique) tout en dévalorisant les membres (supposés) des autres groupes. La condescendance émotionnelle combinée à la dévalorisation des autres peut à son tour nous amener à éviter le contact avec autrui, à faire preuve de malveillance et à être moins disposés à faire des compromis. En effet, les compromis politiques impliquent que nous accordions également un certain succès politique à des personnes qui pensent différemment. En tant que citoyennes et citoyens démocratiques, nous devons veiller tout particulièrement à ne pas utiliser nos peurs pour transformer d’autres personnes ou groupes en ennemis (conseil de lecture: Eva Illouz – Les émotions contre la démocratie).
  1. Pour l’avenir, nous pensons qu’il est essentiel d’aborder nos différences de manière honnête et constructive, tout en gardant à l’esprit nos points communs. Il s’agit tout d’abord d’accepter que les personnes ayant des opinions et des projets de vie différents puissent participer au débat public et au processus démocratique au même titre que nous (dans le respect des principes démocratiques fondamentaux). Pour ce faire, nous devons également entrer en contact avec des personnes de l’échiquier politique opposé et garder à l’esprit qu’une personne est bien plus que son appartenance supposée à un groupe. Que chaque autre personne possède des facettes aussi multiples et contradictoires que nous-mêmes. Dans nos relations avec les autres, nous pouvons simultanément mettre nos différences sur la table et porter notre regard sur ce que nous partageons et qui nous unit, qu’il s’agisse de choses plutôt triviales comme les hobbies que nous pratiquons, les rôles sociaux que nous assumons ou les expériences que nous avons vécues. En écoutant attentivement, nous trouvons des points communs avec presque tout le monde. Cela peut même fonctionner dans des situations particulièrement difficiles, comme le montre notamment «GmeinsamEinsam» (solitaires ensemble) – un groupe de personnes juives, musulmanes, palestiniennes et israéliennes qui ont un lien (in)direct avec Israël / la Palestine, et dont je fais également partie. Ce groupe se réunit régulièrement depuis novembre pour porter le deuil ensemble et s’écouter mutuellement. Nous nous réconfortons les uns les autres et offrons un espace aux différentes perspectives et émotions et aux divers récits des autres, tout en nous percevant en tant qu’individus, car nous sommes bien plus que le reflet de notre groupe.

Partenariats

Ce projet a été réalisé en collaboration avec les partenaires suivants :
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Partenariats de financement

Finanzierungs-partnerschaften

Pour la réalisation de ce projet, nous avons pu compter sur le soutien financier des partenaires suivants :
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